Pourquoi j’ai pris l’avion (alors que j’avais dit « plus jamais »)

Le transport en avion contribue à près de 3 % des émissions de gaz à effet de serre. C’est communément appelé le plaisir coupable de l’écolo ou flygskam (honte de prendre l’avion, en suédois). Car le reste du temps, cette écolo mange bio, local et fermier, se déplace à vélo et pratique le zéro déchet. Cette écolo coupable et culpabilisée, c’est moi. Alors, est-il alors possible de voyager en avion en pleine conscience ? D’avoir une bonne raison qui justifie une pollution atmosphérique ?

Être vrai, être authentique

Mon amie Corinne m’a encouragé à montrer ma vulnérabilité. La voici : il y a 3 semaines, j’ai fait une tentative de suicide. Ce fut le résultat d’une longue réflexion encouragée par un enchainement d’évènements pas cool entrainant une mélancolie profonde, une souffrance et un isolement extrême. Et ce résultat fut sans appel : je ne voyais pas pourquoi vivre. Et puis ça a raté. Si je reçois de l’aide médicale, j’ai aussi décidé de me tendre la main et de renouer avec ce que j’aime. Trop longtemps, j’ai oublié qui j’étais pour me calquer sur ce que l’on attendait de moi tant sur le plan professionnel qu’en amour. Parce que je n’ai pas mis de limites, j’ai laissé d’autres personnes façonner et influencer mon identité. J’ai cru que je voulais une certaine vie et certaines relations, mais la direction qu’a prise ma vie ne me convient pas. Elle me rend malheureuse.

En 2018 j’avais déjà fait ce que j’appelle un burn-out du colibri. Les prémices d’aujourd’hui en somme. À une époque, j’étais fière de me déclarer zéro déchet, voire écolo. Car en essayant d’être une écolo parfaite j’ai réussi à contrôler ma dépression pendant un petit moment. Mais maintenant tout à débordé, car mon petit monde s’est effondré. De plus, je suis fatiguée de la constante chasse aux sorcières anti-écolo au sein de ces milieux.

C’est une des raison pour lesquels j’ai écrit le Guide des Mouvements Zéro. Je souhaitais informer sur la situation, ouvrir le regard des gens, expliquer comment faire autrement et tenter de créer un futur (enfin) désirable. Je n’ai pas écrit ce livre pour culpabiliser qui que ce soit. Car il n’y a rien de plus pénible que de tenter de coller à la définition d’un dico écolo imaginaire. D’ailleurs, il faut comprendre une fois pour toutes que le changement d’une société pourra être considéré comme complet et durable lorsqu’il sera économiquement et politiquement implémenté. En effet, selon le cabinet Carbone 4 un comportement écolo héroïque, même collectif, engendrera seulement 20-25 % de réduction des émissions de CO2.

Colibri tag de rue – Orléans

Se déplacer pollue

Oui hier j’ai voyagé en avion. Je me suis barrée pour trois semaines à La Palma dans une communauté locale de coliving, un mix entre la collocation et le coworking pour celles et ceux qui télétravaillent et les digital·e·s nomad·e·s. Dans mon livre Guide des Mouvements Zéro, j’ai dit que je ne prendrais plus l’avion, sauf quand « ma motivation (sera) plus grande que la simple volonté de consommer du paysage » (page 147). Et aujourd’hui, c’est le cas. La question ne doit pas se poser selon s’il est bien ou mal de prendre l’avion. La question qui se pose est plutôt si ma vie, ma guérison et ma recherche de connexion avec d’autres femmes qui assument et s’autorisent à vivre comme je rêve de vivre, valent une pollution atmosphérique de 1,20 T selon le calculateur de climat Mundi.

Comme en 2018 lorsque j’ai décidé de partir dans les pays du nord pour mon voyage zéro déchet, j’entends déjà les empêcheur·euse·s de tourner en rond me dire, aux choix, que j’aurais pu partir en France ou aller en clinique privée me faire soigner. Je suggérerais à ces personnes qui veulent tant aider les autres selon leurs propres termes de mettre en action leurs générosités lumineuses sans plus attendre. Sinon, il vaut mieux s’abstenir de juger. Je ne souhaite en aucun cas éviter le sujet de mon empreinte écologique. C’est bien pour cela que j’écris cet article. Je l’écris également pour anticiper les critiques et permettre d’ores et déjà une mise en perspective. L’avion est un mode de transport impactant de manière négative l’environnement. Mais il existe une variété de situations de la vie quotidienne où notre empreinte carbone pèse également sur l’environnement :

  • Fumer tue… l’environnement
    L’industrie du tabac n’est pas et de loin, une industrie respectueuse de l’environnement. On l’accuse notamment de déforestation, de pollution de l’eau, de l’air et des sols. Mais l’on peut également penser aux risques pour la santé des travailleur·euse·s du secteur du tabac et à l’impact social et environnemental d’une telle pratique en matière de traitement médical sur le long terme.
  • Notre argent détruit le climat
    Les 6 principales banques françaises possèdent une empreinte carbone 8 fois supérieure à celle de la France entière. Notre argent sert trop souvent à financer des projets climaticide. Le GIEC (groupes d’experts sur le climat) recommande donc de changer de banque pour réduire significativement notre empreinte carbone. En France, vous avez le choix entre le Crédit Coopératif et Hélios.
  • Regarder Netflix pollue
    Internet engendre des nuisances environnementales en générant près de 4 % des émissions mondiales de gaz à effets de serre (plus que l’avion). Cela s’explique notamment par les infrastructures nécessaires comme les data-center ou les antennes 5G, l’équipement individuel et l’énergie mobilisée. La vidéo et la visio occupent plus de 60 % des flux mondiaux.
  • Les habitudes qui polluent également : avoir des enfants (58T de CO2/an), mâcher du chewing-gum (dérivé de pétrole), manger de la viande tous les jours, utiliser sa voiture pour des trajets de moins de 5 km, faire du vélo électrique, acheter des vêtements neufs, manger du bio intensif espagnol…

Pratiques éco-responsables en voyage

Dans mon livre Guide des Mouvements Zéro, chapitre Voyager Durable, je suggère une liste d’actions à suivre pour réduire l’impact de son voyage. En voici quelques-unes que je mettrais en place les prochaines semaines :

  • Voyager léger (surtout en avion)
    Voyager léger permet de réduire la dépense de kérosène. J’ai mis mon sac à dos 30L en soute, car j’aime voyager avec un couteau (et en cabine, il est proscrit). En bagage à main, je n’avais que l’essentiel : mes papiers, mon ordi, mes câbles, ma trousse de toilette, un livre et une tenue de rechange au cas où mon bagage serait perdu.
  • Le zéro déchet en voyage
    Je vis zéro déchet depuis 2015 et je continue en voyage. Sur l’île de La Palma nous compostons pour notre voisin qui cultive des avocats et des bananes, nous trions le verre, le papier et les emballages alimentaires. J’ai pris avec moi ma gourde, un verre en inox et mon kit pour filtrer l’eau afin d’éviter l’achat de bouteilles en plastique. J’ai également pris trois sacs à vrac, deux tote bags et deux bee wrap pour le marché.
  • L’alimentation locale et durable en voyage
    Le marché est le dimanche matin. Comme en France, je réalise mes achats de légumes pour la semaine. Ça ne me pose pas de problème d’adapter mon alimentation au lieu où je vis, tant que je fais attention à l’équilibre de ma flore intestinale. Je fais donc attention de manger des probiotiques locaux pour l’adapter, comme le kéfir, le yaourt ou le fromage fermenté.
  • Hébergement écoresponsable
    Notre maison est équipée de panneaux solaires pour chauffer l’eau. Certains consommables sont mutualisés afin d’éviter le gaspillage (thé, café, fruits). Nous avons également à disposition un placard anti-gaspi où les précédent·e·s résident·e·s ont laissé à toutes et tous la nourriture non consommée.

J’ai donc pris l’avion, alors que j’avais dit « plus jamais ». J’avais besoin de stimulation, de gens, de soleil, de parler une autre langue. Comme beaucoup, je n’en peux plus de l’isolement social. Sauf que bien avant le bouleversement de la covid, ma barque émotionnelle prenait déjà l’eau. Je me suis exilée pour éviter de me noyer et mettre en sourdine la souffrance. Je suis fatiguée que l’on me bassine de solutions que j’ai déjà essayées et qui ne fonctionnent pas pour moi : coaching, yoga, fleurs de Bach et pierres énergétiques… Il est bien de reconnaître que ce qui fonctionne pour nous n’est pas une solution universelle. La mienne : partir en voyage-travail avec mon carnet de note et ma psy en ligne dans la poche. Et malgré tout réduire mon impact environnemental sur place en pratiquant le zéro déchet. Car raisonnablement, c’est une bonne habitude.

Las canarias @marcin-jozwiak

8 réflexions sur « Pourquoi j’ai pris l’avion (alors que j’avais dit « plus jamais ») »

  1. « […} il vaut mieux s’abstenir de juger. […} »
    S’il y a une chose qui devrait être écrite dans le grand livre des lois, c’est ça.

    Courage. Sauvez-vous (dans tous les sens du terme).

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    1. Je vote pour le grand livre des lois 🙂 Merci !

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      1. Courage! Je suis peu à peu sortie d’une eco-depression quand je me suis rendu compte que vouloir sauver le monde c’est faire preuve d’un ego démesuré 😜, que tout être vivant est mortel, à l’échelle individuelle ou collective, et que min eco-dépression était une dépression tout court, que je pou aïs bénéficier des traitements standard et que ça ne faisait pas de moi une « pauvre fille »… Je revis, sous antidépresseur pour le moment, avec la luminotherapie et de la vit D /B12 à gogo, un rythme réduit et un contact avec la nature accru. +de sport aussi… Et la fête !
        (musique et danse, voire plus 😉)… Et un premier voyage hors Europe (Guatemala)! CQFD 🌻

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  2. Merci pour ce témoignage qui n’a pas dû être évident à écrire. Ton expérience montre que même avec la meilleure volonté du monde, il est difficile de tenir des engagements écologiques et éthiques dans une telle société qui ne prend pas en charge les gens « différents », qui vont mal, qui ne se sentent pas à leur place, et j’en passe. Tu as peut-être eu aussi le burn-out du militant ? La crise actuelle est difficile pour beaucoup de monde, sans oublier la sortie de ton livre qui t’a aussi beaucoup sollicitée. Je te souhaite un bon rétablissement. Repose-toi bien.

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  3. Bonjour Justine, je salue ton courage et je te remercie pour ton témoignage. J’espère que tu retrouveras très vite l’équilibre. Bien à toi

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